Les gens
vont et viennent mais au bout d'une semaine, et même si pas mal de saisonniers
logent sur un autre verger (Hedges), il commence à y avoir pas mal de monde sur
place. Ce n'est pas un problème pour ce qui est de l'utilisation de la cuisine,
et cela grâce au community cooking qui voit adhérer la presque quasi-totalité
de l'effectif, à l’exception des deux couples de Tchèques, sans doute dégoutés
à jamais du collectivisme.
Le véritable problème se pose quant à l'utilisation des sanitaires. Il n'y a qu'une seule douche, qu'une seule chiotte, qu'un
unique lavabo et nous somme douze, et bientôt quatorze, sans compter que ces humbles commodités hébergent également de
temps à autres les poules du quartier...
Alors c'est
long. Très long. Trop long ? Nousdeux ne se plaignent pas. Non, le seul vrai
hic, c'est que personne n'a eu l'idée de proposer le community cleaning et que
la seule personne qui se soit portée volontaire pour y passer un coup
d'eau de javel, c'est Sophie, parfois suppléée par Nono, notamment lorsque le lavabo
est bouché et que tout le monde continue de se laver les dents dans le
marigot qui prend des teintes verdâtres, qui se charge des glaires jaunâtres
des uns, des miasmes laiteux des autres...
Puisque nous
sommes là pour partager, partageons :
Il faut bien
avoir à l'esprit que nous travaillons TOUS dans les champs, à l'ombre bien
souvent, mais par des températures de 80° Fahrenheit en moyenne (30° Celcius
environ), que nous avons tous la vingtaine, que certains accusent un certain
surpoids voire même une certaine rousseur, que nous passons le plus clair de
notre temps libre à boire et à fumer, et que si les repas sont préparés avec
amour, ils sont le plus souvent hyper-protéinés... Alors très vite, on rentre
dans la douche en prenant les plus vives précautions pour ne pas toucher le
murs ou le rideau de douches, qui ont pris une teinte rosées-orange, voire
noirâtres dans certains recoins, et il faut être très motivé pour passer aux
toilettes derrière n'importe lequel des gros mâles de la troupe, que le sol du
lieu d'aisance est bientôt recouvert de petits poils bouclés multicolores:
cheveux, poils de barbes, de culs, de bites et de chattes, de diverses fientes
de poulets, de plumes, de feuilles et de poussières...
Enfin, si la
vie en collectivité était si simple, cela se saurait.
Du coup,
nous hésitons à en parler. Déjà, nous avons fait preuve d'initiatives en
proposant le community cooking, nous pensons qu'une nouvelle proposition
pourrait être prise pour de l'autoritarisme ou une forme de pression à l'égard
d'un groupe où personne n'a cherché à imposer quoi que ce soit à qui que ce
soit. Alors, lorsque Erin et Clare proposent à Nousdeux de venir prendre leur
douche chez eux afin de désengorger l'accès à la douche, nous acceptons et la
moitié du problème se règle tout seul.
Cet épisode, quoi qu’anecdotique et, si l’on veut, burlesque, semble montrer à quel
point l’auto-organisation n’est pas innée. En l'absence de leader, et c'est Erin qui nous l'a raconté par la suite, le groupe ne s'organise pas tout seul. Il faut que quelqu'un propose, que les autres acceptent. Il se peut également que quelqu'un impose, et que les autres suivent pour avoir la paix ou par crainte ou parce que nous sommes conditionnés à obéir. Nous aurions du proposer, il était évident qu'il fallait proposer l'organisation du nettoyage des communs, proposer autour d'une bière,des temps de parole, d'échanges, de mise au point... Nous aurions du proposer que s'instaure une organisation, puisque aucun tyran n'émergeait du groupe, cela aurait pu marcher. Nousdeux nous n'étions pas prêt à être les intendants ni les tuteurs du groupe. Par le fait, le groupe ne s'est auto-géré que pour le minimum. Dommage.
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