jeudi 1 janvier 2009

Gisborne

Petit matin sur Gisborne. Une grosse mouette noire et blanche nous épie au travers du pare-brise moucheté. Déjà le soleil fait monter la température et nous sommes parmi les premiers hommes à voir le jour se lever sur la nouvelle année. Des vapeurs d'alcool circulent outrageusement dans la voiture. Nous atteignons ce matin un niveau de puanteur rarement égalé. Il est urgent d'ouvrir les fenêtres. Urgent de s'extirper hors de l'habitacle. Urgent de respirer un air plus pur. Hier soir on nous a averti qu'une douche était à disposition du public près du camping de la plage. On sait où c'est. Le temps de redresser les fauteuils et on y file.
Sur place c'est le calme plat. La ville se remet tout doucement de la soirée et on imagine les gens digérant leur gueule de bois sous la douceur satinée des draps et dans la fraîcheur d'une chambre à coucher, un petit courant d'air faisant nonchalamment ondoyer les rideaux de flanelle. Nono entre dans le vestiaire des hommes. Il y trouve comme convenu la douche et une effroyable odeur de pisse. Le mâle de l'espèce humaine, avec ses airs de primate, ressemble plus au chien qu'au singe lorsqu'il sort sa bite pour inonder d'urine les lieux publics. Je sais de quoi je parle. Bref. Il s'en retourne à la voiture prendre quelques affaires. La gueule dans le cul, les reins en compote et les idées en stand-by, il coule lentement jusqu'à la douche, la première depuis Taupo et abracadabra! L'eau délicieusement froide, l'odeur du shampoing et un rayon de soleil transperçant la couche de crasse des vasistas courent sur sa peau nue. Il y a des moments dans la vie où, malgré la merde dans laquelle nous pataugeons et que certains semblent prendre du plaisir à étaler, des moments où l'on se retrouve touché du doigt par une espèce de puissance divine. Des moments comme ça où l'on se sent prêt à marcher sur l'eau, soulever des montagnes ou faire l'amour au monde entier. A cet instant précis Nono, incroyablement vivant, intensément serein, remercie le grand esprit pour cette énergie indicible qui court au travers de l'univers et qui lui offre généreusement un tour sur sa mobylette dorée.
Il sort de la douche et, la serviette autour des reins, se rue en dehors du vestiaire de sorte à ce que l'ambiance latrines de festival ne nuisent pas trop à sa plénitude retrouvée. Sophie récupère le vanity-case et s'enfuit chez les dames. Assis sous un gros hêtre, Nono attend sa douce. Il contemple les rayons de soleil qui se fracassent en mille morceaux scintillant sur le dos de l'océan. Derrière lui l'humanité reprend lentement possession des lieux. Certains partent pour un jogging, d'autres sortent leur chien, d'autres leur canoë de mer tandis que d'autres, indolents ivrognes, récupèrent sans grand combat leurs esprits abandonnés un peu plus tôt dans l'alcool. Le constat est toujours le même, il y a de grandes chances que l'année qui débute ne soit pas bien différente de la précédente.
La douche a presque aussi bien réussi à Bonnie qu'elle ne fut bénéfique à Clyde. Un petit tour par un coffee shop au bord de l'eau, un grand café très noir, jus d'orange glacé, pan cakes, le tout à l'ombre et à l'écart. Nous sommes définitivement requinqués.


Nous tachons de garder le tempo toute la journée. Petites visites calmes, longues siestes à l'ombres puis nous reprenons le chemin de Te Koha. Après un détour par Mahia Beach, nous plantons notre tente dans un petit camping, à deux heures de Hasting, pour une dernière nuit loin de tout, là-bas, à l'autre bout du monde.

mercredi 31 décembre 2008

New Year's Eve

31 décembre 2008

Nous avons passé la nuit sur un parking. On peut résumer cela par mauvais sommeil, bonne dose de stresse et odeur de vieux chien de chasse au réveil.
Les premières lueurs de l'aube nous délivrent de l'éternité de la nuit. Un soleil chèrement désiré transperce un ciel bleu pâle et nous gratifie de quelques rayons qui nous réchauffent la peau autant que le cœur. Une petite table de pique-nique, la cafetière sur le réchaud à gaz et la vie reprend des couleurs...
Au programme de la journée? Pas grand-chose de prévu. On roule quelques centaines de mètres et faisons l'ouverture d'un petit parc réfugié dans un résidu de ce que fut la région avant l'arrivée des premiers mammifères. Une sorte de voyage dans le temps, les splendeurs ornithologiques en moins.
Deux heures de promenade dans la fraîcheur de la forêt. Deux heures de calme loin de tout. Deux heures pour se laver l'esprit, ça ne vaut pas une bonne douche, je vous l'accorde, mais c'est agréable, surtout que l'on sent bien qu'en dehors de l'enclave, le soleil se déchaîne à tout brûler.
Nous débarquons sur le parking. Le programme de la journée? bof! On verra bien. Nous partons direction Gisborne. On manque de se faire percuter par un abruti qui se cherche un destin à la Ayrton Senna et finalement, sain et sauf, on arrive à destination. La ville est en pleine ébullition. Les festivités de fin d'année et un festival de musique ont contribué à la remplir comme un œuf. On chauffe un peu dans le trafic surchargé puis nous continuons notre route direction... direction... direction la route qui longe l'océan reliant Gisborne à "the bay of plenty"! No comment.
50 kilomètres plus loin, première connexion avec l'océan. Un petit camping, un long ponton, des falaises crèmes saupoudrées de vert et coiffées de jaune, le tout sur le fond bleu gendarmerie des cieux et le bleu délavé du pacifique. C'est Tolaga bay. Petit coin de paradis. En toute logique, l'endroit est surpeuplé. Nous sommes en pleine vacances de Noël, début de l'été, veille de la nouvelle année et lieu réputé pour être le premier à voir le soleil se lever sur le nouveau jour. Très vite nous comprenons que nous ne pourrons pas planter notre tente ici. On bouffe une boite de haricots sauce tomate sous les yeux hallucinés de quelques plaisanciers avant de partir un peu plus loin, à la recherche de la tranquillité mythique de la région.
Un peu plus loin c'est Tokomaru bay. Un peu plus loin c'est quand même 40 bornes de plus et le second accès à l'océan depuis Gisborne. Ici, même topo. Pas âme qui vive tout le long de la route et grosse affluence sur quelques hectares. Pareil à Tolaga bay, pas moyen de planter la tente. Seule différence, c'est beaucoup moins spectaculaire.
On sort la carte. La prochaine étape est Te Araroa et 80 kilomètres de plus. Notre chance de trouver la quiétude qui nous est cher, nous l'estimons à peu près à 0. Un peu par dépit, nous décidons de retourner sur nos pas.


Une bonne heure de route et nous revoilà à Gisborne. Étrangement, l'intensité est nettement retombée. Tant mieux. Nous sommes à la recherche d'un endroit pour passer la nuit et prendre une douche, quitte à y mettre le prix. Nous tournons à droite, à gauche, devant et derrière mais rien n'y fait. Il faut se résoudre à l'évidence, tout est plein à craquer. Une seule chambre au final, 150 dollars la nuit. Beaucoup trop cher.
Dans ces conditions, nous voilà condamnés à errer, à attendre l'année prochaine en noyant notre ennui dans l'alcool. Nous garons notre chambre sur un petit parking et nous nous dirigeons vers un bar que l'on avait remarqué en arrivant. L'ambiance y est plutôt guindée. On s'en fout. Nous sommes intéressés par la terrasse qui donne sur le petit port. Il est 16 heures 30, première bière de la journée. Une terrasse au bord de mer, le soleil et un large sourire qui s'épanouit sur nos visages. On pue, on a les cheveux gras, pas d'endroit où dormir mais suffisamment d'argent pour boire toute la nuit. On est prêt à accueillir 2009. On papote. Seconde bière. La terrasse se remplit tout doucement. Comme à notre table, il y a largement la place pour caser 10 personnes, automatiquement, un premier groupe s'installe. 3 femmes, la cinquantaine lourde de conséquence, armée jusqu'au dent pour se défendre d'une fraîcheur qui fout le camp. Mélange de parfums douteux et maquillages outranciers, ça sent l'abonnement à la salle de gym et au salon de bronzage. Elles ne se donnent pas la peine de nous voir. Avec elles, un bedonnant sexagénaire, chauve, aux anges au milieu de son escouade de gloussantes ménopausées. Elles nous inondent avec leur SOOooo NIce, SOOooo cute, SOOOooo A-MA-zing... On en commande une autre et on fait abstraction du carnaval. Après un moment, l'homme, déjà bien usé par les furies, trouve auprès de nous une échappatoire neurologique. Discutions convenues mais plaisantes. Sourires aux lèvres et bonne humeur. Finalement, la troupe se décide à passer à l'intérieur et nous commençons à ne plus compter les tournées.
La terrasse est maintenant chargée et les places vacantes ne le restent pas longtemps. Une troupe de jeunes gens, la trentaine soignée, déboule. Petite nouveauté, ils demandent poliment si les places sont libres. Avec un large sourire, nous leurs répondons que oui. Tout doucement, une conversation s'installe entre eux et nous. Paul, souriant prof de sport, musclé et imberbe, est particulièrement intrigué par Nousdeux. Il abandonne petit à petit son groupe pour ne plus s'intéresser qu'à Nousdeux. Pendant un instant non défini, nous allons nous parler. Nousdeux de France et d'errances, lui de Nouvelle Zélande et de son boulot, sincèrement et en se payant des bières comme des vieux potes qui se retrouvent. Peu avant minuit, les beaux décident de partir vers le centre-ville pour le décompte final.

...9,8,7,6,5,4,3,2,1 Happy New Year!!!

Voilà c'est fait. On change de calendrier. A part ça ? A part ça pas grand chose de différent entre la minute dernière et la flambant neuve. Une bière de plus. On commence sérieusement à avoir les yeux qui brillent.
Arrive un nouveau groupe de jeunes gens. Plus hétéroclite. Moins distingué que le précédent. Plus introverti aussi. Certains sont sobres et d'autres complètement bourrés. Il y a un peu de distance avec les premiers, beaucoup moins avec les seconds. Dialogues de sourd jusqu'à l'arrivée de Josh. Jeune éphèbe au teint mâte, à la chevelure sombre et au sourire de pub pour brosse à dent. Musclé mais pas trop, le surfer quoi.
Josh est maori. Il a le nez des gens de son ethnie mais celui-ci se fond parfaitement dans les traits de son visage. Il est avenant, poli, et donne tous les signes de l'intelligence sobre. Après un moment, nous ne sommes plus que 4. Josh, Sophie, Nono et une toute petite femme, complètement effacée mais pour qui Nousdeux sont deux ovnis et qui lui prêtent autant d'attention qu'aux autres. Nous discutons longtemps avec Josh et avant de nous quitter, il nous donne son adresse, nous confie que la porte n'est jamais fermée, que le frigo est plein et que nous trouverons bien une chambre libre et la douche tout seul. Bluffé, nous le remercions en déclinant l'invitation. Un peu trop pour nous autres européens, enfermés à double tours dans notre peur des autres.
Une bière ? De toute façon, nous sommes complètement bourrés maintenant. Bourrées, les deux femmes qui sassaient à notre table le sont aussi. Si l'une est sèche et plutôt féminine, l'autre est immense et n'a pas grand-chose à voire avec l'idée qu'on se fait des dames. Deux mètres de haut, 150 kilos au bas mot, un gros nez maori au milieu d'un tête énorme et des valises gonflées sous des yeux noirs qui t'avalent tout cru. Elle est assise à côté de Nono. Elle fait trois fois sa corpulence. Là, pas de temps mort. D'où on vient? Qu'est ce qu'on fait? blablabla, patati, patata...
Elles sont sympas mais Myriam (appelons là comme ça, leurs véritables noms nous échappent malheureusement, aller savoir pourquoi) inquiète Nono. Elle le domine d'une tête. Elle parle en le fixant droit dans les yeux. "Hé! Hé!" elle lui lance sèchement avant chaque phrase en le bousculant de son coude droit. Et comme souvent avec les peuples autochtones, la discussion glisse doucement vers la politique et la condition humaine... Nous avons du mal à leur faire entendre que nous ne sommes pour rien dans la misère actuelle et que nous pâtissons au moins autant qu'elles des barbaries de nos ancêtres. Comme en Amérique du Nord où nous ne sommes que des visages pâles, ici, un pakeha (le blanc en NZ) reste avant tout un fourbe et un spoliateur. Malgré cela, le moment est délectable. Elles sont très loin d'être méchantes et nous nous sentons bien avec elles. En décalage, et c'est tout ce qui fait l’invraisemblance du moment.
Elles finissent par nous dire au revoir. Miriam nous mange une dernière fois avec ses yeux ronds. Nous décidons de suivre leur exemple. Il est tard. Notre Honda nous attend et avec elle, dans la moiteur de nos sacs de couchage, une nouvelle nuit rugueuse.

mardi 30 décembre 2008

La grande traversée

30 Décembre 2008

(Naute deu l'hauteur: Su ite ah uneu panneu dû coraikteure d'aurtograffe, ïle ai faure praubableU queu quêlkes fôtes seux soie for tui teu man glissées eau saint due taixteu sit deux sous. Daisolé).
Nous poursuivons notre route direction Whakatane (fakatane). On nous a conseillé la route qui longe l'océan depuis "the bay of plenty" jusqu'à Gisborne. Amazing, beautifuf, wonderbar... Les qualificatifs ne manquent pas et on nous a assuré une virée inoubliable. Sur la route, nous avons prévu de nous arrêter à l'un des nombreux sites à l'activité volcanique remarquable qui jalonnent la route. Notre itinéraire est une sorte de route des vins mais avec des mares de boue bouillante (ben oui), lacs bleus et jaunes, geysers et odeurs d’œufs pourris, il n'y a qu'à suivre les panneaux...
Peu après dix heures, nous arrivons à "Wai-O-Tapu" qui veut dire en français "eaux sacrées". Ici aussi les qualificatifs ne manquent pas pour décrire la promenade d'une heure et demi. Cependant une chose est sure, en arrivant là on est à peu certain que tous les touristes de la Nouvelle Zélande se sont passés le mot. On se croirait devant le mausolée de Lénine le jour de la fête du parti. Du coup Nousdeux prennent peur et reniflent l'embrouille. Nono se jettent dans la cohue, slalom entre les dévotes du volcanisme et finit tant bien que mal par atteindre l'entrée du site. 30 dollars par personne. Combien pour le café au lait et le cookie à la margarine?
Indigné à juste titre par le prix de la prestation où, faut-il le rappeler, Mother Nature est la seule actrice, Nousdeux s'en retourne à leur route, laissant aux vrais touristes les joies des promenades qui sentent le souffre.
Nous repartons direction "the bay of plenty" avec un gros doute. Avons-nous réellement envie de nous coltiner les 350 kilomètres de routes qui séparent Whakatane et Gisborne, sachant qu'il n'y a absolument pas moyen de réduire le trajet et qu'à ces 350 bornes il faut en ajouter environ 350 pour boucler la boucle pardi ?
Sophie propose alors un itinéraire bis. Sachant que nous pourrons rejoindre Gisborne par une petite route qui sera bientôt sur notre droite, que cette petite route traverse une forêt (chose remarquable en Nouvelle Zélande), et que dans cette forêt on trouve un parc national, Te Urewera national park, nous optons d'un commun accord pour la bifurcation.
Nous avons progressé sur un bon rythme. Il a fait plutôt beau et les routes sont bonnes. Cela ne va pas durer. Après quelques kilomètres, la route sur laquelle nous nous sommes élancés se transforme en une piste carrossable mais trouée. De la rigolade pour les gros pick-up 4*4. Affaire un peu plus délicate pour notre bonne vieille Honda. Notre marche glorieuse prend dès lors des allures de slalom géant en dévers et sur le verglas. Une lecture un peu plus approfondie de la carte nous apprend que ce ne sont pas moins de 90 kilomètres d'une spéciale digne du rallye des milles lacs qui nous attendent. Avec des pointes à 40 kilomètres heures, Ari Vatanen n'a pas grand-chose à craindre de nous.
Nous prenons conscience également d'une chose plutôt édifiante. Nous pénétrons au sein de la "rainforest", ou forêt pluvial, qui comme son nom l'indique est une forêt (sans déc!) où la pluviométrie est élevée et où justement, pour le coup, et ben il pleut (vous ne l'aviez pas vu venir ce coup-là avouez).
Récapitulons. Nousdeux, une honda civic, une piste mi-terre mi-cailloux mi-flaques d'eau, le déluge et une jauge à essence qui tire méchamment du côté du E (pour empty, vide). Évidemment, et cela fait aussi partie des traditions, au moment de croiser la dernière station essence, Nono, de l’œil avisé du grand sage des pommeaux qu'il est, n'a pas daigné s'arrêter et nourrir sa bête (la civic, on est bien d'accord). En fait, quand la route tend à monter, la jauge indique un "ça ira" tranquille, lorsqu'elle descend, elle glisse alors sur un "ouille ouille ouille" inquiétant. Nous faisons la moyenne des deux et nous obtenons un "en serrant les fesses on s'en sortira sans trop se mouiller".
C'est dans cette ambiance alerte rouge que nous découvrons la forêt pluviale. Un épais tapis de végétation qui recouvrent les collines environnantes. Toujours verte, impénétrable, riche de milliers d'espèces végétales et animales. Elle est un palais de verdure. Dans ce monde là, la Nouvelle Zélande est un royaume qui jadis n'appartenait qu'aux oiseaux. Un royaume humide, bâti de palmiers aux feuilles immenses, de pins millénaires, de fougères géantes, d'arbres hébergeant dans l'entremêlement de leur ramure d'autres arbres, de fleurs, de lianes serpents... Un royaume où les espèces végétales se livrent une guerre sans merci pour chaque rayon de soleil. Un royaume magique où les lumières d'Hélios se transforment en matière nourricière...






Cette lumière, dont le spectre se dissèque au milieu des gouttes qui perlent sur le pare-brise, aujourd'hui, peine à traverser l'épaisse couche de nuages. De la peine, nous en éprouvons aussi à atteindre le bureau d'information du parc et les bords du lac Waikaremoana. Toujours sous des trombes d'eau, nous y débarquons au milieu de l'après-midi. Nous y trouvons les premières infos sur les activités que proposent le parc. Première info et première mauvaise surprise. La randonnée phare du parc qui parcourt les rives du lac est une "great walk". C'est à dire qu'il faut payer un supplément pour chaque nuit passée dans les refuges. Nous avons déjà payé un passe 90 dollars. Hors de question de payer 25 dollars par personne et par nuit ici. On nous renseigne sur une autre rando. Ce n'est pas une great walk mais il faut payer aussi un supplément pour pouvoir rester dans le refuge.
Nous sommes indécis. Il est trop tard pour sortir aujourd'hui. Nous renseignons sur la météo des jours a venir. Bonne chance de pluie pour demain, possibilité de beau pour après-demain. Cela renforce encore un peu plus notre indécision.
Nous sortons du bureau, nous asseyons sur un banc et faisons un point. Nous sommes le 30. Demain c'est la saint Sylvestre. L'idée de passer le réveillon au milieu des bois nous plait mais en contre-partie, la perspective de randonnée sous la pluie nous refroidit. Pourtant, malgré l'austérité des lieux, la forêt, emmitouflée dans ses voiles de brumes, nous attire. Aussi, la curiosité nous pousse à la visite de cette immensité verte. Nous prenons la décision de rester ici cette nuit et de voir le temps qu'il fera demain.
A deux kilomètres, une station-service et une épicerie. Les prix sont aussi hauts perchés que le ciel rase la cime des arbres. Pas le choix. Nous faisons le pari de n'emplir le réservoir que de 10 litres. Nous apprenons qu'il y a un petit village et un bistrot à quelques kilomètres de là. La perspective d'une bière fraiche excite nos gosiers asséchés par les kilomètres de piste et nous avons vu tomber trop d'eau ces derniers temps pour avoir envie d'en boire. La piste encore et toujours, puis enfin du bitume, une maison, puis une deuxième, puis une enseigne. C'est là. Une barrière encercle quelques cabanes de bois et une cour. Dans cette cour, deux pick-up. Dans ces pick-up, des tonneaux blancs avec dessus d'effrayantes têtes de morts rouges. Nous pénétrons dans l'enceinte. L'endroit semble désert. Timidement, Nono sort de la voiture, fait trois pas. Il ne pleut plus. La porte d'une des cabanes est ouverte, autorisant une vue sur sa ténébreuse intimité. Un comptoir, des tables, des scelles de cheval mais toujours personne en vue. Il s'avance encore un peu lorsqu'une voix l'interpelle. Dans un sursaut il se retourne.
"What do you want?" (Qu'est ce que tu veux étranger!).

Les cowboys sont là, juste derrière, la mine grise et les yeux sombres. L'un deux, assis sur caisse de bières, le fixe sévèrement, tant dis que l'autre, dressé dans un long imper noir, le dévisage sous le couvert d'un large chapeau.

"Is it possible to have a bier?" (Nous voudrions boire une bière, brave homme, s'il vous en plait), répond Nono tout en s'efforçant à dissimuler son accent et un léger malaise, les yeux rivés sur les deux bières fraichement décapsulées, ruisselantes de désires, trônant devant les deux hommes.

"It's not possible" (ça va pas être possible étranger), répond sèchement l'homme aux yeux sombres.

"Is it too early? May we come back latter?" (Est-il trop tôt, n'êtes vous point encore de service cher ami?), demande calmement le jeune aventurier de l'impossible.

"No! We're off today.", (Nan! c'est fermé aujourd'hui) rétorque fermement l'autochtone.

"So, enjoy your day off!" (Qu'il est fort plaisant de jouir de la vie assis sur une caisse de bières tout en se délectant d'une bonne chopine en compagnie d'un ami par un agréable jour de congé hebdomadaire), réplique Nono en souriant malicieusement.
"Thanks" (ouais c'est ça!), conclut le cowboy, en lui rendant un sourire édenté.

De nouveau dans l'habitacle rassurant de la voiture, Nono décrit en deux mots la scène à Sophie qui était restée sagement dans la voiture. D'un nouveau commun accord, ils décident de fuir, une fois n'est pas coutume, la froideur terrifiante des lieux en se jurant de ne jamais y revenir.

Deux heures plus tard, nous marchons sur une plage de "Poverty bay". Le soleil de la fin d'après-midi séchant la carrosserie de notre véhicule, c'est dans la contemplation sereine de l'océan et de la charogne puante d'un mouton que nous terminons cette journée pleine de rebondissements, cette journée d'initiations et de méditations transcendantales, cette journée de vagabondage si vous préférez.

lundi 29 décembre 2008

Boom Boom Boom Boom


 29 décembre 2008

En quittant Tongariro National Parc, nous regagnons Taupo où nous avions prévu de dormir dans le camping gratuit que met la municipalité à disposition des zonards dans notre genre. Petite précaution intelligente qui permet d'éviter de les voir squatter tous les parkings de la ville.
Rudimentaire, pas de douche ni d'électricité, mais le but est d'y passer la nuit et non d'y rester à domicile pour les vacances.
En arrivant à Taupo il pleut comme vache qui pisse. Rien d'autre à foutre que d'aller au ciné ou au bistrot. Nous y ferons les deux.


Depuis la terrasse du café nous apercevons une petite pancarte qui attire l'attention de Nono. Une auberge de jeunesse propose des chambres doubles pour moins de 55 dollars. Rien d'extraordinaire, c'est le prix, mais l'idée saugrenue de dormir dans un lit et de prendre une douche, voir même de faire sécher nos affaires, nous traverse l'esprit. On avale notre chopine et on fonce à l'auberge voir s'il reste de la place. Plus qu'une chambre de libre, un peu bruyante nous avertit-on, mais c'est cinq dollars de moins. Génial. Un peu de bruit ne nous a jamais fait peur. Nous prenons la chambre.

Douche chaude, étalage des affaires mouillées et on file au cinéma. On voit "L'invité" dans la plus petite salle du monde, 11 places, et puis on rentre se coucher.

Un peu bruyante est la chambre en effet. Sous nos fenêtres il y a une terrasse, et sur cette terrasse, un homme joue de la guitare et chante le blues. C'est fort mais on peut le faire. Nous sommes suffisamment fatigués. A vrai dire, nous tombons de fatigue. On se couche et on ferme les yeux. Nous commençons à sombrer dans une douce torpeur lorsque tout à coup:"BOUM BOUM BOUM PAM PAM PAM TLANG TLANG TLANG ET PCH ET PCH ET PCH ET TACATACATAC VROUFF VRAM PANG!!!!!" dans nos oreilles. Où est passé le bon John Lee Hooker et ses boom boom boom boom? Une transe-gore-psycho-techno débile a pris le relais. Tous les murs tremblent. On entend pas vraiment la musique mais les basses circulent plus librement que l'air dans tout l'immeuble. La porte vibre, la fenêtre grésille, l'évier secoue et le plafond menace de s'effondrer. C'est horrible, intenable. Pour ne pas totalement sombrer dans la démence, il arrive un moment où, en plein crise de nerf, nous devons quitter la chambre et errer sans but dans les rues de Taupo. Il parait qu'ils passaient des albums de Blackmétal aux prisonniers de Gantanamo, enfermés dans une cellule, le son à fond et pendant des heures. Barbares. Nous devons reconnaitre que cela aurait pu être pire. Une soirée spéciale Lara Fabian et nousdeux auraient été retrouvés morts au petit matin. Finalement la fiesta prend fin. Lorsque le dernier POOM se fait entendre il ne nous reste que quelques heures de répits avant la première machine à laver.

8:00 AM donc. Debout. Nous prenons notre petit déjeuner au milieu des autres pensionnaires plus ou moins mongoles et on se sauve de ce lieu maléfique.

La colonne silencieuse

29 décembre 2008

Nous avions prévu de dormir sur le parking mais un vieil homme est venu et nous en a chassé. Nous sommes partis sans broncher et avons garé notre voiture deux kilomètres plus loin, aux abords d'un sentier, où deux autres campements avaient déjà été installés.

Alors commence l'interminable nuit. Le stress d'être chassé par la police où pire encore. Des histoires de voyageurs détroussés pendant leur sommeil, ils s'en comptent des milliers depuis l'aube de l'humanité. Nous verrouillons la voiture et finissons tant bien que mal par être emportés par un sommeil précaire et sans rêve.

Les heures défilent sur le cadran de l'horloge et finalement, nous sortons de notre rudimentaire léthargie un peu avant le levé du jour. Les étoiles sont déjà parties à votre rencontre.
Devant nous, les trois volcans se découpent dans l'obscurité qui devient pénombre. Hélios se réveillent à son tour et c'est l'incendie. Derrière les colosses, le ciel s'embrase, les contours des montagnes se font braises. Le Dieu Soleil nous déroule un tapis multicolore, un tapis de nuages qui flamboie au dessus de nos têtes, un tapis qui nous indique que nous sommes la bienvenue dans la montagne aujourd'hui.

Préparons un petit déjeuner succin et partons à l'assaut du mont Tongariro, notre destination du jour. Petit sommet très accessible ne dépassant pas les deux milles mètres d'altitude. Pour nous y rendre, nous emprunterons la très populaire Tongariro Crossing, randonnée phare de l'île nord, "must go" que tout bon visiteur de la Nouvelle Zélande se doit de parcourir.
Pour éviter l'affluence, nous avons décidé de partir tôt. Bien nous en a pris, nous nous élançons à peine que déjà arrive le premier autobus.

La première partie du parcours se déroule tranquillement. Un large sentier montant très légèrement entre deux plis et au milieu des herbes jaunes, entrecoupé de quelques petits passages rocheux, conduit les marcheurs au pied du volcan. Nous avançons sur un bon rythme, appréciant la légèreté accordée à nos épaules, soulagées d'une bonne dizaine de kilos en comparaison avec notre parcourt de la semaine dernière. L'horizon se réduit au fur et à mesure que les deux montagnes enflent. Derrière nous quelques formes se distinguent, une meute est à nos trousses. Nous avons de bonnes jambes aujourd'hui et ne voulons rien lâcher. Il n'y a que quelques personnes devant nous, une dizaine tout au plus, alors que plusieurs centaines s'apprêtent à nous emboîter le pas. Nous ne sommes plus qu'à quelques mètres de la première ascension lorsque Sophie reçoit une poussière dans l'œil. Nous stoppons notre progression. Rien de visible mais elle a très mal. Nono ne cède pas à la panique. Traitement à l'eau douce, goutte à goutte grâce au camel back et surtout, ton ferme mais rassurant. Une demi-heure plus tard, la demoiselle est sur pied, prête à reprendre l'aventure. Une demi-heure assis au bord du sentier. Une demi-heure et à peu près quatre ou cinq personnes toutes les deux minutes, cela fait au minimum 60 ou 70 personnes qui sont passées devant nous, à deux mètres. Sachant que trois ou quatre personnes tout au plus se sont inquiétées de notre situation, cela fait un peu plus de 2 pour cent qui nous ont adressé la parole. Les autres sont, à très peu de chose près, passées sans nous dire un mot, sans même nous voir, le plus souvent en regardant de l'autre côté du chemin. Surpris? Plus maintenant.

Remettons les sacs sur les épaules, resserrons les lanières, chacun un piquet, nous repartons rassurés. Nous avalons les trois cents mètres de plat qui nous restaient à parcourir et entamons la montée. Des escaliers. Trop facile. Une à une, en alternant le pied d'attaque, nous dévorons les marches. Déjà, les premiers traîne-savates sont rattrapés, avalés, digérés. Je me sens près à en découdre. Ce ne sont pas des jambes mais des ailes qui me portent aujourd'hui. Plus nous prenons d'altitude, plus le rythme de tous ces gens devient lent, plus nous en voulons. Dans ma folie, j'en oublie de regarder autour de moi. Sophie me rappel à l'ordre. Sur notre gauche, flottant au-dessus de l'horizon, le Mont Taranaki, lointain, vaporeux. Il est une ombre au-dessus du vide. Il a des airs de Fujiyama, de mont Baker, avec sa coiffe d'argent. Nous lui accordons quelques secondes puis repartons à l'assaut du Tongariro.

Je suis affamé, je dévore. Je pourrais courir, exalté par ma suprématie d'un jour au milieu de la masse. Je double des gens qui sont passés devant nous il y a plus de trente minutes. Sophie aussi donne beaucoup, je me retourne pour voir où elle en est. Pas très loin derrière. Elle me fait signe que tout va bien, je continu sur ma lancée. Dernière ligne droite. Un groupe de peignes culs trop occupés à se regarder le nombril et qui nous avaient magistralement snobés sur le parking est en ligne de mire. J'arriverai avant eux. Je tire encore un peu plus et finalement, je les dépose cinquante mètres avant le South Crater. Sophie me rejoindra quelques minutes après.

Nous débarquons sur la lune.

De là, il est possible de partir à l'ascension du mont Doom. Deux heures de sérieuse grimpette jusqu'au cratère sur les traces de Frodo Baggins...
Mais Ngauhuroe n'est pas à notre programme et nous lui tournons les talons.

Nous traversons l'immense étendue cerclée de roches avec cette impression de suivre les traces de Neil Armstrong ou de Tintin. Nous sommes dans la place forte du château. Devant nous, la dernière "difficulté "de la journée. Le sentier grimpe sur un des remparts de la forteresse, longeant les douves, il nous conduit à la porte du donjon.



Nous changeons une nouvelle fois de planète. Nous foulons désormais le sol martien et le vent se révolte. Le "red crater" est sous nos yeux. Connexion directe avec les entrailles de la planète. C'est le clitoris du Tongariro, c'est de là que la terre accouche de la montagne au milieu des fumerolles inquiétantes et des lacs aux eaux turquoise.

Le spectacle ici est grandiose. La vue sur le désert de Rangipo, les plis formés et déformés au rythme des éruptions volcaniques, les montagnes derrière la plaine, balbutiement de la chaîne alpine, contenant la brume matinale, les couleurs, l'absence totale de végétation, l'absence quasi totale de vie, le feu, la glace, le vent. Une étrange sensation nous envahie. Nous prenons conscience de l'absolue singularité des lieux.

Nous reprenons le sentier qui mène au sommet du mont Tongariro. A partir de là, l'affluence se fait relativement moindre, mais en contre-partie, Sophie commence à souffrir de sérieuses crampes dans le mollet gauche. J'ai été présomptueux et arrogant, Sophie en paye les conséquences. Sa progression a été beaucoup trop rapide et elle a fourni un effort important pour s'accrocher à ma connerie. Le calvaire pour elle jusqu'au sommet, qu'elle atteindra avec des larmes. Au travers des sculptures de roches volcaniques, sur le chemin escarpé qui conduit tout la haut, la demoiselle n'aura RIEN lâché, repoussant les limites une fois de plus...



En haut, le vent est si violent qu'il est difficile de garder l'équilibre et le froid qu'il charrie avec lui nous contraint à écourter notre séjour au sommet de notre montagne. Il est l'heure de parcourir le chemin en sens inverse, il est l'heure de redescendre.

Même topo, mais à contre-courant. En redescendant sur le South Crater, nous sommes effarés de constater combien une grande partie de la foule qui arpente les lieux n'a aucune idée de ce qu'elle est en train de faire.
Les équipements sont inexistants ou totalement inadaptés à la montagne. Des groupes de personnes arpentent le sentier sans sac, sans eau, sans habits de rechange, en petit soulier de ville, l'air de rien, rue piétonne, une petite boutique sympa et un café en terrasse. Ce sont les mêmes qui sont passés ce matin devant nous. Je les ai vu. J'ai senti leur arrogance, leur morgue. Face à moi, ils peuvent l'être, je ne peux blâmer personne et c'est tout le poids de leur stupidité qu'ils traînent sur leur épaule et qui pèse lourd, mais face à la montagne, personne ne peut mentir.
Le sentier qui mène au Red Crater, je ne suis pas près de l'oublier. L'expression sur les visages qui se transforment au cours de l'ascension. La souffrance qui tord les bouches, le froid qui pince les peaux nues, le sol qui se dérobe sous les escarpins. Bien sûr, ils ne me regardent pas, ils ne regardent personnes d'ailleurs, ils voudraient pouvoir enfiler le masque, mais ils ont face à eux l'indéniable, leurs limites, et elles sont pour beaucoup d'entre eux beaucoup plus proche qu'ils ne voulaient bien le laisser croire.

(J'ouvre une parenthèse au risque de fracasser le rythme du récit mais c'est important pour nous que vous compreniez. Nous ne prenons pas de plaisir à voir des gens en chier et je ne me pose pas ici en donneur de leçon. Si je décris se passage, ce n'est pas pour badigeonner mes écrits avec du fiel ou par simple plaisir de la diatribe, mais bel est bien parce que ce que nous aimons le plus dans ces expériences de marches ou de montagne, c'est cet apprentissage de l'humilité, et Dieu sait à quel point nous en manquons.
J'ajouterai également que jamais Sophie et moi n'avons cessé de saluer et de remercier les gens qui nous laissaient passer à l'aller et avons adressé un Hi ou un Hello et même quelques bonjours à toutes les personnes que nous avons croiser en descendant et qui ne regardais pas le bout de leurs chaussures par crainte de rencontrer nos regards, mais vous nous connaissez trop bien pour en douter n'est-ce pas?)

Peu après avoir traversé south crater, nous ne croisons plus grand monde. Quelques paumés qui feront certainement demi-tour (en tout cas je l'espère) un peu plus loin, d'autant que la pluie se met à tomber peu après midi.

Emmitouflés dans nos habits de pluies, nous sommes déjà en bas et continuons notre route, bien loin déjà de la colonne silencieuse...

dimanche 28 décembre 2008

Best seller des années 90.

Une petite énigme facile pour moi cette fois ci.

Un petit élément que (presque)tout le monde connaît, ou en tout cas a déjà vu avant, s'est glissé dans l'aventure Round the Mountain track de Nousdeux.

Saurez-vous trouver lequel est-ce?