mercredi 31 décembre 2008

New Year's Eve

31 décembre 2008

Nous avons passé la nuit sur un parking. On peut résumer cela par mauvais sommeil, bonne dose de stresse et odeur de vieux chien de chasse au réveil.
Les premières lueurs de l'aube nous délivrent de l'éternité de la nuit. Un soleil chèrement désiré transperce un ciel bleu pâle et nous gratifie de quelques rayons qui nous réchauffent la peau autant que le cœur. Une petite table de pique-nique, la cafetière sur le réchaud à gaz et la vie reprend des couleurs...
Au programme de la journée? Pas grand-chose de prévu. On roule quelques centaines de mètres et faisons l'ouverture d'un petit parc réfugié dans un résidu de ce que fut la région avant l'arrivée des premiers mammifères. Une sorte de voyage dans le temps, les splendeurs ornithologiques en moins.
Deux heures de promenade dans la fraîcheur de la forêt. Deux heures de calme loin de tout. Deux heures pour se laver l'esprit, ça ne vaut pas une bonne douche, je vous l'accorde, mais c'est agréable, surtout que l'on sent bien qu'en dehors de l'enclave, le soleil se déchaîne à tout brûler.
Nous débarquons sur le parking. Le programme de la journée? bof! On verra bien. Nous partons direction Gisborne. On manque de se faire percuter par un abruti qui se cherche un destin à la Ayrton Senna et finalement, sain et sauf, on arrive à destination. La ville est en pleine ébullition. Les festivités de fin d'année et un festival de musique ont contribué à la remplir comme un œuf. On chauffe un peu dans le trafic surchargé puis nous continuons notre route direction... direction... direction la route qui longe l'océan reliant Gisborne à "the bay of plenty"! No comment.
50 kilomètres plus loin, première connexion avec l'océan. Un petit camping, un long ponton, des falaises crèmes saupoudrées de vert et coiffées de jaune, le tout sur le fond bleu gendarmerie des cieux et le bleu délavé du pacifique. C'est Tolaga bay. Petit coin de paradis. En toute logique, l'endroit est surpeuplé. Nous sommes en pleine vacances de Noël, début de l'été, veille de la nouvelle année et lieu réputé pour être le premier à voir le soleil se lever sur le nouveau jour. Très vite nous comprenons que nous ne pourrons pas planter notre tente ici. On bouffe une boite de haricots sauce tomate sous les yeux hallucinés de quelques plaisanciers avant de partir un peu plus loin, à la recherche de la tranquillité mythique de la région.
Un peu plus loin c'est Tokomaru bay. Un peu plus loin c'est quand même 40 bornes de plus et le second accès à l'océan depuis Gisborne. Ici, même topo. Pas âme qui vive tout le long de la route et grosse affluence sur quelques hectares. Pareil à Tolaga bay, pas moyen de planter la tente. Seule différence, c'est beaucoup moins spectaculaire.
On sort la carte. La prochaine étape est Te Araroa et 80 kilomètres de plus. Notre chance de trouver la quiétude qui nous est cher, nous l'estimons à peu près à 0. Un peu par dépit, nous décidons de retourner sur nos pas.


Une bonne heure de route et nous revoilà à Gisborne. Étrangement, l'intensité est nettement retombée. Tant mieux. Nous sommes à la recherche d'un endroit pour passer la nuit et prendre une douche, quitte à y mettre le prix. Nous tournons à droite, à gauche, devant et derrière mais rien n'y fait. Il faut se résoudre à l'évidence, tout est plein à craquer. Une seule chambre au final, 150 dollars la nuit. Beaucoup trop cher.
Dans ces conditions, nous voilà condamnés à errer, à attendre l'année prochaine en noyant notre ennui dans l'alcool. Nous garons notre chambre sur un petit parking et nous nous dirigeons vers un bar que l'on avait remarqué en arrivant. L'ambiance y est plutôt guindée. On s'en fout. Nous sommes intéressés par la terrasse qui donne sur le petit port. Il est 16 heures 30, première bière de la journée. Une terrasse au bord de mer, le soleil et un large sourire qui s'épanouit sur nos visages. On pue, on a les cheveux gras, pas d'endroit où dormir mais suffisamment d'argent pour boire toute la nuit. On est prêt à accueillir 2009. On papote. Seconde bière. La terrasse se remplit tout doucement. Comme à notre table, il y a largement la place pour caser 10 personnes, automatiquement, un premier groupe s'installe. 3 femmes, la cinquantaine lourde de conséquence, armée jusqu'au dent pour se défendre d'une fraîcheur qui fout le camp. Mélange de parfums douteux et maquillages outranciers, ça sent l'abonnement à la salle de gym et au salon de bronzage. Elles ne se donnent pas la peine de nous voir. Avec elles, un bedonnant sexagénaire, chauve, aux anges au milieu de son escouade de gloussantes ménopausées. Elles nous inondent avec leur SOOooo NIce, SOOooo cute, SOOOooo A-MA-zing... On en commande une autre et on fait abstraction du carnaval. Après un moment, l'homme, déjà bien usé par les furies, trouve auprès de nous une échappatoire neurologique. Discutions convenues mais plaisantes. Sourires aux lèvres et bonne humeur. Finalement, la troupe se décide à passer à l'intérieur et nous commençons à ne plus compter les tournées.
La terrasse est maintenant chargée et les places vacantes ne le restent pas longtemps. Une troupe de jeunes gens, la trentaine soignée, déboule. Petite nouveauté, ils demandent poliment si les places sont libres. Avec un large sourire, nous leurs répondons que oui. Tout doucement, une conversation s'installe entre eux et nous. Paul, souriant prof de sport, musclé et imberbe, est particulièrement intrigué par Nousdeux. Il abandonne petit à petit son groupe pour ne plus s'intéresser qu'à Nousdeux. Pendant un instant non défini, nous allons nous parler. Nousdeux de France et d'errances, lui de Nouvelle Zélande et de son boulot, sincèrement et en se payant des bières comme des vieux potes qui se retrouvent. Peu avant minuit, les beaux décident de partir vers le centre-ville pour le décompte final.

...9,8,7,6,5,4,3,2,1 Happy New Year!!!

Voilà c'est fait. On change de calendrier. A part ça ? A part ça pas grand chose de différent entre la minute dernière et la flambant neuve. Une bière de plus. On commence sérieusement à avoir les yeux qui brillent.
Arrive un nouveau groupe de jeunes gens. Plus hétéroclite. Moins distingué que le précédent. Plus introverti aussi. Certains sont sobres et d'autres complètement bourrés. Il y a un peu de distance avec les premiers, beaucoup moins avec les seconds. Dialogues de sourd jusqu'à l'arrivée de Josh. Jeune éphèbe au teint mâte, à la chevelure sombre et au sourire de pub pour brosse à dent. Musclé mais pas trop, le surfer quoi.
Josh est maori. Il a le nez des gens de son ethnie mais celui-ci se fond parfaitement dans les traits de son visage. Il est avenant, poli, et donne tous les signes de l'intelligence sobre. Après un moment, nous ne sommes plus que 4. Josh, Sophie, Nono et une toute petite femme, complètement effacée mais pour qui Nousdeux sont deux ovnis et qui lui prêtent autant d'attention qu'aux autres. Nous discutons longtemps avec Josh et avant de nous quitter, il nous donne son adresse, nous confie que la porte n'est jamais fermée, que le frigo est plein et que nous trouverons bien une chambre libre et la douche tout seul. Bluffé, nous le remercions en déclinant l'invitation. Un peu trop pour nous autres européens, enfermés à double tours dans notre peur des autres.
Une bière ? De toute façon, nous sommes complètement bourrés maintenant. Bourrées, les deux femmes qui sassaient à notre table le sont aussi. Si l'une est sèche et plutôt féminine, l'autre est immense et n'a pas grand-chose à voire avec l'idée qu'on se fait des dames. Deux mètres de haut, 150 kilos au bas mot, un gros nez maori au milieu d'un tête énorme et des valises gonflées sous des yeux noirs qui t'avalent tout cru. Elle est assise à côté de Nono. Elle fait trois fois sa corpulence. Là, pas de temps mort. D'où on vient? Qu'est ce qu'on fait? blablabla, patati, patata...
Elles sont sympas mais Myriam (appelons là comme ça, leurs véritables noms nous échappent malheureusement, aller savoir pourquoi) inquiète Nono. Elle le domine d'une tête. Elle parle en le fixant droit dans les yeux. "Hé! Hé!" elle lui lance sèchement avant chaque phrase en le bousculant de son coude droit. Et comme souvent avec les peuples autochtones, la discussion glisse doucement vers la politique et la condition humaine... Nous avons du mal à leur faire entendre que nous ne sommes pour rien dans la misère actuelle et que nous pâtissons au moins autant qu'elles des barbaries de nos ancêtres. Comme en Amérique du Nord où nous ne sommes que des visages pâles, ici, un pakeha (le blanc en NZ) reste avant tout un fourbe et un spoliateur. Malgré cela, le moment est délectable. Elles sont très loin d'être méchantes et nous nous sentons bien avec elles. En décalage, et c'est tout ce qui fait l’invraisemblance du moment.
Elles finissent par nous dire au revoir. Miriam nous mange une dernière fois avec ses yeux ronds. Nous décidons de suivre leur exemple. Il est tard. Notre Honda nous attend et avec elle, dans la moiteur de nos sacs de couchage, une nouvelle nuit rugueuse.

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