Nous l'avons déjà fait remarquer dans les lignes de ce
blog, la Nouvelle Zélande fut un jardin d’Éden jusqu'au jour où Homo sapiens sapiens a débarqué
avec ses gros souliers, son agriculture et ses animaux domestiques.
Avant ces temps pas si éloignés s'épanouissait là-bas tout une tripoté de
tétrapodes ailés qui ne demandaient rien à personne. Bien sûr, ces animaux
n'étaient pas en dehors des réseaux trophiques, j'entends par là que certains
servaient de pitance à d'autres, mais plusieurs indices semblent indiqués que
la pression de cette prédation n'était pas démoniaque et que tout ce petit
monde ailé trouvait un équilibre, allez, j'y vais, vivait en harmonie dans le
meilleur des mondes. Lecteur hypothétique, tant pis pour toi si tu trouves que
je te refais le coup de l'Eldorado, mais si tu es toujours là, c'est peut-être
parce qu'au fond, tu es d'accord avec moi...
Donc. On trouvait alors là-bas des animaux qui ne
s'appelaient pas encore kakapo, takahé, kākā, kereru, kéa, kiwi, katipo, moa,
kokopu ou tuataras ou weta mais nous nous éloignons du sujet.
Nousdeux, et c'est important de le signaler, ont chopé
une addiction au pays du cacatoès marcheur et polygame, une véritable obsession
qui ne les lâche plus depuis : l'ornithologie.
C'est d'autant plus intéressant à signaler que, avant
de partir, l'absence de mammifères endémiques comme les lions, les hyènes ou
les koalas et la projection que nos excursions naturalistes balbutiantes ne
seraient finalement rien d'autres que des sorties sur les traces de l'avifaune,
laissaient nos amis un peu sceptiques.
En ce début de semaine, et puisqu'on leur laisse trois
jours de repos (en fait c'est aux pommes que l'on laisse trois jours de repos,
mais j'en conviens, le résultat est le même), Nousdeux partent à l'assaut d'une
zone désormais dés-infestées de prédateurs exogènes : Kapiti island.
L'île est à la fois une réserve naturelle, une
nurserie pour des espèces endémiques de l'île nord et de l'ile sud, de nombreux
individus ayant été "introduits" sur l'ile, et une Réserve Marine,
dont le principe est le même pour des espèces aquatiques.
Sur la brochure, on annonce la couleur. Liste des
oiseaux trouvant refuge sur les vingt kilomètres carré pêle-mêle et de manière
non-exaustive:
- le Takahé (Porphyrio hochstetteri), Liste rouge de l'UICN 300 couples à l'état sauvage,
- le Kokako (Callaeas cinereus) Liste rouge de l'UICN 400 couples à l'état sauvage, ce dit Glaucope cendré dans la langue de Molière
- le Stitchbird (Notiomystis cincta), Classé vulnérable par l'UICN, 1000 couples à l'état sauvage, est appelé Méliphage hihi dans la langue de Devos
- le Saddleback (Philesturnus carunculatus) ou Créadion rounoir, dans la langue de Céline, en bonne voie de reconstitution des effectifs là où ils sont à l’abri des prédateurs ;
- le Ruru (Ninox novaeseelandiae), ou Morepork ou encore Ninoxe boubouk dans la langue de Ribéry ;
- le North Island Robin ( Petoica longipes) ou miro de Garnot dans la langue de Matisse ;
- le Kakariki à front rouge (Cyanoramphus novaezelandiae) ou Perruche de Sparrman dans la langue de François Perusse ;
- le New Zealand Bellbird (Anthornis melanura) ou méliphage carillonneur dans la langue de mgr Lustiger ;
sans oublier
les emblématiques kiwis bruns (Apteryx mantelli ; Classement UNIC : En danger mais les effectifs remontent)
et kiwi d'Owen (Apteryx owenii ;Statut
UICN : Quasi menacé)...
Navette et entrées bookées (pour préserver la quiétude
des oiseaux, le nombre de visiteurs est limité), nous sommes prêts à vivre une
expérience d'avant les hommes, une sorte d'aventure originelle, un peu
réchauffée et artificielle, mais une expérience significative et nous n'avons pas
mis longtemps avant de nous en rendre compte.
A peine avons eu le temps de sortir du bateau donc et
sans même attendre que l'agent de la réserve ne finisse son discours, le gros
perroquet débarquait pour se présenter. De branche en branche, tournant autour
de Sophie, se posant sur le kiosque, tentant une seconde approche,
l'accueillant animal, finalement, se pose sur Sophie, qui dans un effort
remarquable pour contenir une appréhension légitime face à un oiseau de la
taille d'une corneille et doté, on a tôt fait de s'en apercevoir, de
belles serres et d'un bec immense. Nous pourrons jouer avec lui plusieurs
minutes, prenant forces clichées, entre rires, surprise et stupéfaction... Et
malgré l'originalité de la rencontre, il arrive un moment où nous nous rendons
à l'évidence qu'il faut prendre congé de notre ami. Nous n'avons que quelques
heures devant nous avant que la navette ne largue les amarres, et même s'il
aurait été malicieux de se faire oublier et de passer la nuit sur la
plage.
Le long de notre parcours forestier, nous rencontrerons
par le regard ou les oreilles le fameux Saddelback, le très élégant Fantail, le
roucoulant Pigeon de Nouvelle-Zélande ou Kereru, le facétieux Robin de l’ile
Nord, le rare Stitchbird, le débonnaire Bellbird, l’hurluberlu tui et le coloré
kakariki… Puis il est l’heure de regagner la plage.