mercredi 28 janvier 2009

Ils sont fous ces chinois

Nous sommes désormais à Greymouth. Nous avons planté la tente dans le jardin d'une très belle auberge de jeunesse. Nous allons pouvoir prendre une douche...
Greymouth se trouve sur l'embouchure de la Grey river et de là à dire que c'est une ville grisâtre, il n'y a qu'un pas. Greymouth c'est la principale cité de la côte. Greymouth, c'est aussi et surtout le berceau de la Monteith's, qui est ma bière néo-zélandaise préférée, et c'est déjà pas mal. De la bière justement, on se retrouve dans le pub Monteith's pour en boire. De là, nous établissons un plan pour le repas de ce soir. Nous prenons la décision de manger un bout en ville, enfin, quand on dit en ville, il ne faut pas non plus s'attendre à avoir l'embarras du choix. En Nouvelle Zélande, comme la plus part des commerces, certains restaurants ne sont ouverts que jusqu'à five PM, soit 17 heures, heure local. Après un bref tour d'horizon, nous n'avons repéré d'ouvert que le susnommé pub, un Mac Do, un KFC et un chinois fish & chips. Et un pakistanais? Oui peut-être mais pas aujourd'hui.
Nous jetons notre dévolu sur le chinois fish & chips. Cela reviendrai à faire en France un kebab choucroute ou un snack bœuf bourguignon. Adaptation. Ici, la cuisine exotique doit se plier au sacro-saint poisson frit qui est à la gastronomie un peu ce qu'est Jean Marie Bigard à l'humour. Ça finit toujours par peser sur l'estomac. Enfin, les englois et la nourriture, les artistes et la politique, passons.
Nous sommes maintenant devant le resto chinois. Simplissime. Surtout fait pour la vente à emporter. Nous sommes en Nouvelle Zélande, je crois que tu commences à comprendre. Néanmoins, une belle salle nous accueille à l'arrière, décorations classiques de ce type d'établissement. Du rouge, des dragons, des tables rondes et une chinoise, la quarantaine, il lui manque quelques dents, qui nettoie les tables (il est largement passé 5 heures (ndlr)). Évidemment, c'est l'heure du coup de balai puisqu'elle porte à chaque main un long gant rose et maintient entre ses pouces et index un pchit de désinfectant et une éponge. Nous lui demandons gênés s'il est encore possible de manger un morceau. Elle nous répond que oui avant de disparaître dans la cuisine. Elle en revient avec sets de table, couverts, cruche d'eau, cartes de menu et toujours à chaque main le gant mapa rose. La tavernière n'est pas franchement souriante, son regard semble transformer en trou noir tout ce qu'il touche. Nous sommes un peu embêtés par la situation. A vrai dire, ce n'est pas le fait qu'elle doit sûrement nettoyer les chiottes avec les deux mêmes gants qui nous dérange. Non, le hic, c'est qu'on a un peu peur qu'elle ne se jette par la fenêtre. Comme la salle est de plein pied, nous nous rassurons.
Choix cornélien qu'est celui de la commande. Perdu au milieu des dizaines de plats proposés par un resto asiatique, nous naviguons entre des archipels de poissons, de bœufs ou de poulets, des îlots de riz ou de nouilles, des récifs de raviolis ou de nems, des péninsules de chiens ou de serpents, des Atlantide de dragons ou salamandres ailées... Nousdeux fomentent un stratagème qui va leur permettre d'accoster un maximum de saveurs sans sombrer dans la surconsommation. La petite chinoise édentée revient et nous passons commande. Moins d'un quart d'heure plus tard, c'est le cuistot, un solide bonhomme cumulant certainement les casquettes de serveur, de plongeur et de mari, qui nous apporte nos assiettes. Nous le saluons et le remercions. Il est nettement plus souriant que sa femme et est un peu surpris lorsque nous lui demandons des baguettes. Une fois celles-ci sur la table, le repas peu commencer.
La bouffe chinoise peu parfois réserver quelques surprises mais Nousdeux commencent à avoir une petite expérience et savent jouer défensif. Nous avons dribblé le raie noix de coco ou la lotte au curry. C'est bon, c'est copieux, le restaurant nous appartient, nous mangeons tranquillement en regardant par la fenêtre les voitures qui passent. Deux autos s'arrêtent sur le parking en face. Nous remarquons à peine la dizaine de chinois qui en sortent. En deux petites minutes, ils sont sortis de notre champ de vision et de nos esprits. Pas pour longtemps. Cinq minutes plus tard, la troupe pénètre dans le restaurant dynamitant la tranquillité qui nous berçait. Ils parlent fort, tous en même temps, sans nous voir. La petite dame au sourire envolé accourt. Elle ne l'a pas rattrapé bien au contraire. Sur son visage, on lit maintenant une grande anxiété. Nous ne comprenons pas vraiment qu'est ce qui motive une telle excitation. Le mandarin garde pour nous tout son mystère mais nous les regardons amusés tourner autour de la table, s'asseoir, se relever, sortir, rentrer. L'un deux vient nous voir. Il s'appelle Tsiang et, en habitué de la culture occidentale, s'excuse d'abord pour l'apparent manque de savoir vivre de ses compatriotes. Nous rétorquons qu'en tant que chercheur d'authenticité ce bain de chine est pour nous dès plus agréable. S'en suit une conversation très charmante entre lui et nous. Il nous apprend qu'il étudie à Auckland et que sa famille profite d'une visite qu'elle lui rend pour faire un tour du pays. Autour de nous, l'agitation semble prendre fin. Ils sont presque tous à table. Cela ne va pas durer. Un des hommes sort de la cuisine. Il s'y était introduit pour nettoyer son parapluie, le petit finot. Il en revient catastrophé, prononce un perçant discourt. S'en suit qu'en procession, tous les chinois partent pour leur inspection de la cuisine. Tsiang nous traduit au fur et à mesure les découvertes de la brigade rouge section répression des fraudes. Ça piaille encore un peu puis ils disparaissent comme ils étaient venus.
Le calme est revenu. Pas de dessert. On paye et on se casse, un peu déboussolé, pas vraiment rassasié. Sous sa coupe au bol, la petite chinoise a retrouvé sa mine désabusée, le patron quand à lui a disparu. On sort mais on a encore faim. Alors deviner quoi? On se retrouve dans la file d'attente du KFC pour une barquette de cuisse de poulet frit... Que voulez vous, on échappe pas indéfiniment à la fatalité. Moins de trente secondes après notre entrée dans le fast food, deviner quoi? La clique des brigades du tigre débarque à son tour. Mort de rire sont nos petits chinois malins. Tsiang en profite pour taper la discute encore un peu. Il est vraiment sympa ce Tsiang. La barquette de poulets aux hormones élevés sous allogènes est prête. On salue encore une fois les chinois qui se marrent encore. Cette fois, ils n'iront pas visiter la cuisine...

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